Les ressources des hénonnais
Une des principales ressources des fermes à Hénon sont leurs vergers avec la vente de pommes et la fabrication du cidre. Dans la majorité des champs, il y a des pommiers, et quand le paysan se promène dans sa propriété au printemps, ce qu'il regarde en premier ce sont ses pommiers afin de voir si il y a promesse de « pommesou ». Dès le mois de septembre, les habitants de Plémy, Ploeuc-sur-Lié et Gausson battent la campagne pour leurs provisions, et sur le bord des routes, ce sont des rangées de sacs de pommes que les négociants viennent acheter pour les cidreries.
Chaque ferme, grande ou petite, a son pressoir, et pendant trois mois c'est une entraide entre voisins pour moudre les pommes (souvent le soir). Dans certaines fermes, l'alignement des fûts est impressionnant. D'ailleurs, certains celliers sont plus grands que l'étable ! Beaucoup de fûts sont vendus sur Saint-Brieuc et ses environs ainsi qu'au bourg de Hénon où jusqu'à la dernière guerre il y avait encore une quinzaine de bistrots (sans compter ceux en dehors du bourg), qui en majorité ne vendaient que du cidre.
A Catuélan, il y avait deux pressoirs en service. Il faut dire qu'à une certaine époque, une vingtaine de personnes y travaillaient la grande partie de l'année, et la boisson leur était fournie. Inutile de dire que chaque fût était bu avant d'avoir « durci ».
Dans les grands festins de famille, comme les mariages, il y avait des personnes chargées de servir uniquement le cidre. Ils avaient intérêt à ce qu'il n'en manque pas, car certains espiègles, pour vexer le serveur, dès qu'un « pichier » était vide, y mettaient un bout de papier et le brûlait.
Dans les « étraries » comme dans les « fouéries » de genêts ou autres défrichages de landes, il n'était pas rare d'entendre des appels de personnes « assoiffées » et certains déboulaient avec leur « briquées » de cidre surtout en fin de journée. Dans le courant de l'année lorsqu'on reçoit un ami, et ce, même après un copieux repas, il fallait le conduire au cellier. Autrement, ce dernier avait le sentiment de ne pas avoir été suffisamment « honoré » et s'en allait mécontent. Comme il y avait toujours un bol en permanence, l'on attaquait successivement plusieurs tonneaux par le « fausset ». Ces abus de cidre firent dire l'abbé Bourhy que : « le cidre est quelquefois vainqueur de son ennemi ».
Faire vivre la famille
L'autre ressource naturelle de la commune c'est le bois, l'on en vend beaucoup de cordes et de fagots. Sur la seule propriété du Port-Martin, et aux dires du fermier Louis Rault, on avait abattu plus de 2000 arbres en 20 ans pour le chauffage ou le bois d'oeuvre !
Une activité proprement féminine permettait à de nombreuses familles hénonnaises de vivre : les nourrices. Dans les petits, et même certains moyens ménages, beaucoup de femmes quittaient chaque année leurs nouveaux nés pour allaiter les enfants des familles bourgeoises dans les grandes villes. « L'abandon » de leur jeune enfant par ces mères était souvent, pour les plus humbles d'entre elles, une nécessité pour faire vivre le reste de leur famille ; et elles étaient d'ailleurs mieux rétribuées que les hénonnaises restées travailler sur la commune (jusqu'à trois fois plus).
Le fait que des enfants en bas âge n'aient plus leur mère pourrait être considéré comme un facteur important de la mortalité infantile de l'époque, mais au regard du nombre d'enfants (et de mères !) qui décédaient lors de l'accouchement, dans des conditions de vie et d'hygiène de l'époque, ce phénomène ne devait pas être déterminant.
L'accueil des enfants abandonnés de l'hospice de Saint-Brieuc, après en avoir demandé l'autorisation au maire, permettaient à plusieurs familles d'assurer un revenu supplémentaire pour leur foyer ; les familles accueillantes recevant 18 francs de l'époque par mois les deux premières années (et en plus des vétements). Ces enfants suivaient le cursus obligatoire de l'époque (jusqu'à l'âge de 13 ans) et ils étaient à Hénon, selon l'abbé Bourhy, 200 au moment de son ministère.