La vie quotidienne à Hénon

A part les châtelains qui ont une grande partie de leurs biens dans le pays (qui existent toujours aujourd'hui), à savoir Catuélan, le Colombier, la Niauvais, les Mézues, la Ville Chaperon, les Granges et le dernier construit Bellevue ; il y a peu de propriétaires. Ce qui créait une certaine « harmonie » selon notre Abbé qui trouvait « qu'il n'y avait pas cette jalousie tenace, cette haine de caste qui anime trop dans certaines localités les petits propriétaires contre les seigneurs » (la rhétorique marxiste employée par le religieux traduisant la peur qu'inspirait le communisme à l'Eglise à cette époque). Pour autant, l'Abbé Bourhy n'exagérait pas les bons rapports qu'entretenaient les châtelains de Hénon (qui vivaient d'ailleurs sur leurs terres) avec leurs fermiers. L'aide en cas de maladies, de mauvaises récoltes, de perte de bétail était courante (pas de hausse du prix de fermage par exemple).

Qu'en est-il de ces fermiers dont nous parlait l'Abbé Bourhy ?

Fermiers de père en fils (on en trouvait même qui étaient métayers à Couche Deux depuis 1689?), leurs fermes sont le plus souvent occupées par deux ou trois ménages qui vivaient sous le même toit et sous l'autorité du (ou de la) patriarche. Les conséquences économiques de ce modèle agricole étaient qu'il empêchait toute initiative privée, ce modèle reposant sur l'intérêt commun, et ne permit donc pas à l'agriculture hénonnaise de se développer qu'après la seconde guerre mondiale !

L'agriculture n'était pas, selon l'Abbé Bourhy, en progrès à Hénon car trop « esclave de la routine ». On ne pouvait se résoudre à faire autrement que les anciens, et cela même où la mécanisation se développait, mais dont l'on se méfiait ! Il y avait peu de nourriture pour les vaches (qui étaient pourtant ailleurs une source de revenus pour la ferme) dont l'élevage ne servait qu'à la production du beurre pour l'usage de la ferme. Les cochons étaient quant à eu peu engraissés, ils étaient vendus sur les foires entre 20 et 30 Kg.

Imposé plus que choisie, ce type d'agriculture, que l'on dénommera « vivrière », avait des conséquences également sur la démographie communale avec un grand nombre de célibataires et autant de couples en moins. D'autant, comme le disait l'Abbé Bourhy, qu'il fallait que quelqu'un « se dévoue pour faire une bonne maison ».

Leurs habitations ne se distinguaient pas par leur luxe ou par leur propreté. Loin de là même ! Il n'y avait en général qu'une pièce profonde, éclairée seulement par une fenêtre et par la porte (dont la partie supérieure était toujours ouverte et laissait « aux habitants de la basse cour » un passage dont ils usaient à l'excès !). Près du foyer se trouvait un bûcher à l'usage de la ménagère. De chaque côté de la cheminée, un banc avec dossier. Le reste du mobilier était rudimentaire : une table et deux bancs, quelques lits clos avec une « maie » devant.

Misérable l'agriculture hénonnaise ?

Ni plus ni moins que dans bien des communes semblables de l'époque, mais il y avait une tradition locale qui faisait pourtant la fierté de tous les paysans hénonnais : le cheval ! Le meilleur foin leur était réservé (à l'inverse du bétail), chaque année ils élevaient deux ou trois poulains (selon l'importance de leurs terres) et en tiraient ainsi une source de revenus.

Mais par-dessus tout, les chevaux étaient l'incarnation d'un certain orgueil paysan ! Qu'ils étaient fiers nos paysans hénonnais de conduire leurs attelages composés de trois ou quatre juments « potelées » à la ville (alors qu'une seule bête aurait pût traîner la « « charretée ») en faisant claquer avec noblesse leurs fouets. Convoquez un paysan hénonnais à un « charroi » gratuit, il s'y rendra volontiers parce qu'il aime à rendre service, mais aussi pour montrer la force de son attelage ! C'était en effet à la « bonne mine » de ses chevaux que l'on reconnaissait l'aisance et le savoir faire d'un cultivateur hénonnais?