L'arrivée du train à Hénon

C'est le 7 septembre 1863 qu'arrive à Saint-Brieuc le premier train venant de Paris. L'ouverture complète de la ligne Paris-Brest a lieu quant à elle en avril 1865. En 1894, le département des Côtes-du-Nord décide de se doter d'un réseau de chemin de fer dit à « voies étroites » (1 m entre les rails) qui permettra de dynamiser les échanges commerciaux entre l'intérieur des terres (lieu des productions agricoles) et la plus « riche » et peuplée côte (où les paysans se fournissaient en engrais marins).

Ainsi, la question du désenclavement de la région était clairement posée, puisque jusqu'à lors nos campagnes vivaient au rythme du cheval. Le « cheval vapeur », quant à lui, avait ses détracteurs qui redoutaient le bruit et la vitesse « excessive » de ce dernier qui n'atteignait pourtant que de 25 Km/h ! Le Conseil Municipal de l'époque ne verra pas l'arrivée du train sur Hénon comme une menace mais plutôt comme une véritable opportunité, en témoigne l'extrait suivant tiré du registre des délibérations du 30 mai 1894 : « à l'unanimité (les conseillers) souhaitent qu'il (le train) se dirige (de Hénon) sur la gare d'Yffiniac avec prolongation aux grèves. C'est l'avenir de notre contrée qui en dépend ! ».

Point de départ du désenclavement de la commune, cet acte fort des élus de l'époque conduira à un arrêté de « déclaration d'utilité publique » le 12 mars 1900 pour la création de la « ligne » comme on l'appelle encore aujourd'hui. Seulement, la réalisation des quelques 4 715 m qui reliaient Quessoy à Plémy nécessita l'acquisition par expropriation par le département maître d'oeuvre des travaux de 31 parcelles sur Hénon.

Un projet contesté

De nombreuses familles dont les descendants ont encore leurs attaches sur la commune (du Plessis de Grenedan, Rault, Lagrée, Hamon, Rouxel, de Lorgeril, de Gouzillon de Belizal, Le Boulanger, Rio) furent indemnisées à des degrés divers (de 1 000 f de l'époque à près de 10 fois plus pour les plus grands propriétaires fonciers). A titre de comparaison vers 1900 un vélo valait 500 f ; soit, selon l'historien Eugen Weber dans son livre intitulé « fin de siècle » : « deux mois de solde d'un sous-lieutenant, ou trois mois de traitement d'un instituteur ». Le Conseil Général des Côtes du Nord ne se montra donc pas trop « pingre » avec nos hénonnais expropriés. »

« Des schémas à la réalité il y a un « monde ». Et c'est sûrement ce que pensèrent les hénonnais qui connurent les grandes heures de la construction de « la ligne » ! Car voyez-vous, si les plans (base de l'indemnisation) prévoyait une largeur maximale de 3.90 m pour la voie, elle atteignait en fait par endroit prés de 6 m ! Les réclamations ne manquèrent donc pas d'arriver, et poussèrent parfois les plus opportuns à faire pression pour obtenir quelque chose en compensation : l'achat d'une maison qui se trouvait enclavée ou la demande d'utilisation de l'aqueduc reliant Hénon à Plémy pour faire passer une conduite d'eau qui desservirait le château des Granges. Toutes ces péripéties n'empêchèrent pas la ligne de Saint-Brieuc à Moncontour d'ouvrir son service aux passagers et aux bagages le lundi 1er mai 1905.

Le train inaugural quitta l'agglomération briochine à 6h15 avec une vingtaine de voyageurs à son bord, et arriva près des remparts de la cité médiévale voisine à 7h53 précise ! Et ce sans le moindre accro ! Quatre trains journaliers fonctionnèrent dans les deux sens à cette époque et amorcèrent le développement économique de Hénon avec l'ouverture d'un service de marchandises en station de Beau Soleil avec la réalisation d'une voie de garage.

Ainsi, les marchandises de tous poids purent transiter par la commune et le courrier arriver en des temps records, ce qui était un véritable « privilège » pour l'époque. Et quand les modifications des horaires des trains au printemps 1917 entraînèrent un retard de 24h dans la réception du courrier, Monsieur de Lorgeril, maire de Hénon, pris sa plus belle plume pour montrer son mécontentement.

Ça bloque sur « la ligne »

L'arrivée d'un tel symbole de la modernité entraîna de vives réactions ; grincheux et malicieux s'en donnèrent à coeur joie ! Voyez plutôt : Tentative de déraillement à l'aide d'une « méchante » pierre à Plémy, saindoux mis sur les rails par des garnements entre Beau Soleil et Moncontour ! Alors quand les animaux (« tamponnement » entre une vache et un train entre Beau Soleil et la gare de Bréhand entraînant une contravention pour Joseph Latimier son propriétaire) ou la technologie (plombs des fusibles de la locomotive qui fondent à cause d'un défaut d'alimentation de la chaudière) s'y mettaient également, il ne restait plus aux passagers qu'a admirer le paysage pour passer un peu le temps.

Tous ces petits désagréments n'empêchèrent pas « la ligne » de prospérer jusqu'au printemps 1937. Elle s'arrêta le 1er avril mais, malheureusement pour les amoureux du « petit train », ce n'était pas une plaisanterie.